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Religion au travail : 18 % des dirigeants d'entreprises confrontés au fait religieux

Social - Fonction rh et grh, Contrat de travail et relations individuelles, IRP et relations collectives
02/02/2018
Seulement 18 % des dirigeants (DG, DRH, DAF) ont déjà eu connaissance, de manière avérée, de l’expression de faits religieux au sein de leurs entreprises, selon les résultats, dévoilés ce vendredi 2 février, d'un sondage Harris Interactive, mené pour le compte de l'Institut supérieur du travail (IST), du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et du Figaro.
Beaucoup de bruit pour rien ? La question du fait religieux en entreprise, qui alimente depuis plusieurs années la chronique sociale et la jurisprudence, n'apparait pas sur le terrain des entreprises comme une préoccupation majeure. C'est l'un des enseignements forts du sondage réalisé par l'institut Harris Interactive dont les résultats étaient dévoilés ce jour lors d'un colloque organisé au Sénat par l'IST sur le thème du fait religieux en entreprise. Selon cette étude, un peu moins d’un dirigeant sur 5 (18 %) déclare avoir déjà eu connaissance de l’expression du fait religieux de manière avérée au sein de son entreprise, ceux exerçant en Ile-de-France (23 %) ou dans de très grandes entreprises (25 %) étant légèrement plus nombreux à en faire l’expérience. Et, dans la plupart des cas, il s’agit de comportements rares ou occasionnels plutôt que d’évènements fréquents. En outre, les sondés ne signalent pas une augmentation massive du fait religieux dans leur entreprise sur la période récente. Si 9 % d'entre eux ont le sentiment que ces faits se sont développés au cours des cinq dernières années, 88 % n’en recensent ni plus ni moins.

Congés et prières

Pour ceux qui ont observé l'existence de faits religieux dans leurs organisations, les questions ont principalement porté sur des demandes de congés liées à des fêtes religieuses positionnées sur des jours non fériés (53% des dirigeants) ou la possibilité de faire des prières (48 %) sur le lieu de travail. « Nous sommes sollicités avant tout sur la problématique des congés et sur le port de signes religieux », a également relaté Line Pelissier, directrice de la diversité à Orange. Les signes ostentatoires (27 % des répondants) mais également l'aménagement du temps de travail pour des raisons religieuses (25 %) ou le refus de serrer la main à une personne de l’autre sexe (24 %) font également partie des faits les plus cités.
Les représentants du personnel, également sondés par Harris Interactive, témoignent eux aussi de la présence des prières, des signes ostentatoires ou des demandes d’aménagement du temps de travail. « Ces éléments ne sont pas nouveaux. Dans les années 70, une entreprise comme Peugeot aménageait déjà des salles de prière dans ses usines », a rappelé Jean-Baptiste Obéniche, directeur de la diversité à EDF.

Le réglement intérieur peu utilisé

La manière dont les dirigeants et les représentants du personnel gérent le fait religieux est là aussi riche d'enseignements. Ainsi, alors que la jurisprudence récente et la loi Travail les y incitent, seulement 37 % des dirigeants qui ont été confrontés au fait religieux dans leur entreprise affirment avoir mis en place dans leur règlement intérieur des dispositifs ad hoc. La gestion du fait religieux est avant tout abordée par la voie du dialogue, expriment les sondés. Les dirigeants privilégient le fait de convoquer la personne concernée pour échanger avec elle (47 %) ou de demander une intervention des supérieurs hiérarchiques (37 %) ou des RH (33 %).

Fermeté et tolérance

Plus généralement, les dirigeants, comme les représentants du personnel, sont majoritairement défavorables à l'expression trop formalisée du fait religieux en entreprise. Surtout, ils sont fermement opposés aux pratiques qui induisent un rejet de l'autre. Près de 9 dirigeants sur 10 (88 %) excluent ainsi d'effectuer des aménagements d'espaces comme des salles de prière ou de voir se développer des aménagements de travail dus à la religion (84 % opposés). Le port du voile constitue également une forme d'expression religieuse à laquelle les dirigeants sont largement opposés (79 %). Ils se montrent toutefois plus ouverts à des aménagements non-formels, gérés au niveau du N+1 ou des salariés concernés. Ils tolèrent également certaines expressions permettant à une personne de respecter ses pratiques religieuses sans remettre en cause la neutralité de l'entreprise. Ainsi, 93 % d'entre eux sont ouverts à ce qu'une personne pose un jour de congé pour raisons religieuses, 92 % estiment acceptable que les restaurants d'entreprise proposent systématiquement des plats végétariens et 83 % sont ouverts à l'idée qu'un salarié puisse jeûner pendant ses heures de travail.
En revanche, les comportements induisant un rejet des autres salariés sont majoritairement exclus par les dirigeants : 54% d'entre eux estiment inacceptable qu'un salarié refuse de manger avec ses collègues et, surtout, plus de 90 % écartent l'idée qu'un salarié puisse refuser de serrer la main à une personne de l'autre sexe ou de s'asseoir là où elle était assise. Les dirigeants se montrent ainsi farouchement opposés à l'idée d'accepter une inégalité de traitement ou des tensions sensibles entre les salariés de leur entreprise et notamment entre les hommes et les femmes.
« L'expression du fait religieux n'est donc pas accueillie très favorablement dans la vie de l'entreprise, encore moins s'il s'agit de lui faire une place formalisée dans son mode de fonctionnement et très défavorablement lorsqu'elle induit un rejet de l'autre. Cette vision développée parmi les dirigeants de l'entreprise est largement partagée par les représentants du personnel », indiquent les auteurs de l'étude.
Source : Actualités du droit