Retour aux articles

Cour de cassation : quels inédits retenir cette semaine ?

Social - Contrôle et contentieux, IRP et relations collectives, Santé, sécurité et temps de travail, Contrat de travail et relations individuelles, Formation, emploi et restructurations
05/06/2020
Les arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation à retenir parmi les non publiés du fonds de concours de la semaine du 2 juin 2020.
La seule référence dans la lettre de notification de la sanction à une procédure contentieuse engagée par le salarié est constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice
Ayant constaté que la lettre de mise à pied disciplinaire reprochait au salarié d'avoir produit dans le cadre de l'instance prud'homale des documents internes falsifiés ainsi que des faux témoignages obtenus par abus de sa position hiérarchique et de ne pas s'être « retiré du contentieux en cours », la cour d'appel a fait ressortir que la seule référence dans la lettre de notification de la sanction à une procédure contentieuse engagée par le salarié était constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice. Cass. soc., 27 mai 2020, n° 18-20.439 F-D
 
Le fait de tenir des propos dégradants à caractère sexuel est constitutif d’une faute grave, même en l’absence de tout antécédent disciplinaire
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse, condamner l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité spéciale de licenciement, de préavis et congés payés sur préavis, l'arrêt énonce que si les propos tenus par le salarié, même sur le ton de la plaisanterie, sont indéniablement dégradants à l'encontre de sa collègue de travail, il convient de relever que l'intéressé avait près de sept ans d'ancienneté et ne présentait aucun antécédent disciplinaire, ce dont il résulte que son licenciement apparaît en l'espèce disproportionné.
En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait tenu à l'encontre d'une collègue de travail des propos dégradants à caractère sexuel, ce qui était de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du Code du travail, ce dernier article dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. Cass. soc., 27 mai 2020, n° 18-21.877 F-D
 
La rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique
Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la société a décidé de réorganiser l'activité commerciale de l'entreprise non plus par secteurs géographiques mais par secteurs d'activités afin de répondre à l'évolution de la fonction commerciale et à la concentration des acteurs sur le marché, qu'elle a également décidé de regrouper tous les commerciaux en un lieu unique, afin de rationaliser les coûts de fonctionnement et permettre une plus grande cohésion de l'équipe. L'arrêt relève aussi que concernant l'activité économique de la société, les rapports de gestion des exercices 2013 et 2014, le bilan et le compte de résultats de l'exercice 2014 révèlent que l'entreprise ne rencontrait pas de difficultés économiques, que la lettre de licenciement confirme cette situation économique de la société en précisant la nécessité de maintenir sa compétitivité, étant relevé que le maintien de la compétitivité ne constitue pas en tant que tel un motif économique de licenciement à la différence de la sauvegarde de la compétitivité. L'arrêt ajoute qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le licenciement consécutif au refus de la salariée d'accepter la modification de son contrat de travail, et notamment la modification de son lieu de travail, n'a pas une cause économique, que le seul refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement et qu'il appartient à l'employeur de justifier qu'il s'est trouvé dans la nécessité de procéder à la modification du contrat de travail du salarié et ainsi de démontrer que cette modification répondait à l'intérêt de l'entreprise. L'arrêt retient également que la société démontre en l'espèce la nécessité de procéder à la modification du lieu de travail de la salariée dans l’intérêt de l'entreprise et qu'elle n'a pas été imposée par malignité ou de mauvaise foi.
En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le motif de la modification du contrat de travail refusée par la salariée résidait dans la volonté de l'employeur de réorganiser l'activité commerciale de l'entreprise et qu'il n'était pas allégué que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu'elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, en sorte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. Cass. soc., 27 mai 2020, n° 18-19.605 F-D
 
CSP : l'employeur doit en énoncer le motif économique dans un document écrit porté à la connaissance du salarié au plus tard au moment de son acceptation
Lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle, l'employeur doit en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d'information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu'il est tenu d'adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d'envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du Code du travail, soit encore, lorsqu'il n'est pas possible à l'employeur d'envoyer cette lettre avant l'acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation.
Par ailleurs, lorsque l'administrateur procède au licenciement d'un salarié d'une entreprise en redressement judiciaire, en application de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant des licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable et fixant le nombre des licenciements ainsi que les activités et les catégories professionnelles concernées, la lettre de licenciement que l'administrateur est tenu d'adresser au salarié doit comporter le visa de cette ordonnance. À défaut, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse. Cass. soc., 27 mai 2020, n° 18-20.139 F-D
 
Licenciement économique d’un salarié en arrêt : attention à bien préciser dans la lettre l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à la maladie professionnelle
Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-6 et L. 1226-9 du Code du travail que l'employeur, tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement, doit préciser, dans la lettre de licenciement d'un salarié dont le contrat est suspendu à la suite d'un arrêt de travail provoqué par un accident du travail ou une maladie professionnelle, le ou les motifs visés par l'article L. 1226-9 du Code du travail, la référence à un motif économique ne caractérisant pas une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à cet accident ou à cette maladie. À défaut le licenciement est nul.
La cour d’appel a fait ressortir que la « note contrat de sécurisation professionnelle », remise le 5 mai 2014 à la salariée, le jour même de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, ne mentionnait pas une impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à la maladie professionnelle. Il en résulte que le licenciement de la salariée était nul. Cass. soc., 27 mai 2020, n° 18-20.142 F-D
 
Cadre dirigeant : il faut des responsabilités importantes !
Selon l’article L. 3111-2 du Code du travail, sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement. Les critères ainsi définis sont cumulatifs et le juge doit vérifier précisément les conditions réelles d’emploi du salarié concerné.
Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve produits, la cour d’appel a constaté que le salarié signait les contrats de travail, représentait la direction aux réunions de délégués du personnel, assistait aux assemblées générales, avait le pouvoir d’engager financièrement la ligue pour des montants importants et percevait le salaire le plus élevé au sein de la ligue. Elle a pu en déduire qu'il avait la qualité de cadre dirigeant. Cass. soc., 27 mai 2020, n° 19-11.575 F-D
 
Élections professionnelles : quelle sanction en cas de non-respect du principe de la représentation équilibrée des femmes et des hommes par une liste de candidats ?
Il résulte de l’article L. 2314-32 du Code du travail que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 entraîne la seule sanction de l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter. Le tribunal d'instance peut être saisi, avant l'élection, d'une contestation relative à la composition des listes de candidats en application de l'article L. 2314-30 du même code et déclarer la liste électorale irrégulière au regard de ce texte, dès lors qu'il statue avant l'élection, en reportant le cas échéant la date de l'élection pour en permettre la régularisation.
L’article L. 2314-32 du Code du travail ne prévoit pas l’annulation par le juge des élections en cas de constatation par ce dernier, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues par le premier alinéa de l’article L. 2314-30 du même code. Cass. soc., 27 mai 2020, n° 19-15.974 F-D
Il résulte de l’article L. 2314-32 du Code du travail que la constatation par le juge, après l’élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2314-30 du Code du travail entraîne l’annulation d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats. Cass. soc., 27 mai 2020, n° 19-60.147 F-D
 
Les irrégularités directement contraires aux principes généraux du droit électoral constituent une cause d'annulation des élections indépendamment de leur influence sur le résultat des élections
L'obligation de neutralité de l'employeur est un principe essentiel du droit électoral. Pour dire n’y avoir lieu à annulation des élections des membres du comité social et économique, le tribunal d’instance, après avoir constaté que le syndicat CGT avait, pour promouvoir sa propre liste de candidats, utilisé l’adresse de messagerie du comité d’entreprise pour diffuser un message de propagande syndicale le premier jour du scrutin, détournant ainsi un moyen de communication mis à disposition par l’employeur et que ce dernier n’avait pas réagi, manquant ainsi à son obligation de neutralité, retient que le syndicat FEC-FO ne rapporte pas la preuve de ce que cette diffusion a exercé une influence déterminante sur les résultats du scrutin.
En statuant comme il a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que l’absence de réaction de l’employeur après l’envoi par un syndicat d’un message de propagande en utilisant la messagerie du comité d’entreprise n’avait pas permis un égal accès aux moyens de propagande entre les syndicats, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte et les principes généraux du droit électoral susvisés. Cass. soc., 27 mai 2020, n° 19-15.105 F-D
 
Les élections doivent être annulées en cas de non-respect de l’article R. 67 du Code électoral
Selon l’article R. 67 du Code électoral, immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé dans la salle de vote, en présence des électeurs, en deux exemplaires signés de tous les membres du bureau. Dès l'établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote. Le non-respect de cette formalité est de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et, s'agissant d'un principe général du droit électoral, constitue une irrégularité justifiant à elle seule l'annulation des élections. Cass. soc., 27 mai 2020, n° 19-13.504 F-D
 
Source : Actualités du droit