CDD et intérim : la preuve de l’absence de travaux dangereux incombe à l’employeur

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15/09/2025
Travail et social - Travail et social

Le recours aux contrats à durée déterminée (CDD) et au travail temporaire est strictement encadré par le Code du travail. La loi interdit, sauf dérogation exceptionnelle accordée par la Dreets après consultation du CSE et avis du médecin du travail, d’affecter des salariés précaires à certains travaux particulièrement dangereux (C. trav., art. L. 1242-6, L. 1251-10 et L. 4154-1). La liste de ces activités figure à l’article D. 4154-1.

Un cas d’espèce : exposition à des poussières de métaux durs

Dans un arrêt du 9 juillet 2025, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme l’issue d’un contentieux né d’une mission d’intérim réalisée du 29 novembre au 3 décembre 2021 en qualité de soudeur-monteur au sein d’une entreprise de construction métallique. Le salarié, affecté notamment au découpage d’un tube d’acier, soutenait avoir été exposé à des poussières de métaux durs, lesquelles relèvent des travaux interdits aux intérimaires (C. trav., art. D. 4154-1, 22°).

Saisi d’une demande de requalification du contrat de mission en CDI auprès de l’entreprise utilisatrice, le juge d’appel (CA Toulouse, 5 avril 2024, n° 23/03955) a relevé l’absence de tout document probant : ni attestation délivrée par une personne habilitée excluant l’émission de poussières de métaux, ni autorisation administrative préalable. La requalification a donc été prononcée.

La charge de la preuve pèse sur l’employeur

Devant la Cour de cassation, l’entreprise soutenait que la preuve de l’exposition litigieuse incomberait au salarié. La Haute juridiction rejette cet argument. Elle rappelle que les textes prohibent le recours à un salarié temporaire pour des travaux particulièrement dangereux, parmi lesquels ceux exposant aux poussières de métaux durs (C. trav., art. L. 1251-10, L. 4154-1 et D. 4154-1, 22°). En cas de litige, il incombe à l’employeur de démontrer que les tâches confiées n’entrent pas dans le champ des travaux interdits.

À défaut d’éléments techniques objectifs (attestation d’une personne compétente, mesures, procédures de prévention établies, autorisation administrative régulièrement obtenue), le contrat de mission doit être requalifié en CDI (C. trav., art. L. 1245-1 et L. 1251-40 pour l’entreprise utilisatrice). La rupture qui s’ensuit produit les effets d’un licenciement nul.

En pratique : sécuriser le recours aux contrats précaires

Cette décision renforce une ligne jurisprudentielle constante : la protection de la santé et de la sécurité au travail prime dans l’appréciation du juge. Les entreprises exposées à des procédés générant poussières, fumées ou agents dangereux doivent adopter une démarche probatoire rigoureuse. Les points d’attention incluent :

  • Cartographier les postes et opérations susceptibles d’entrer dans la liste de l’article D. 4154-1.
  • Documenter méthodiquement les procédés utilisés (fiches techniques, modes opératoires, mesures de prévention).
  • Obtenir les autorisations requises le cas échéant, après consultation du CSE et avis du médecin du travail.
  • Conserver des attestations émanant de personnes habilitées excluant l’exposition aux risques prohibés.
  • Former et informer les salariés mis à disposition et tracer ces démarches.

En conclusion, l’arrêt du 9 juillet 2025 confirme que la charge de la preuve repose sur l’employeur : en présence de travaux potentiellement dangereux, la simple affirmation d’une absence de risque est insuffisante. Une preuve positive, écrite et technique est exigée pour éviter la requalification des contrats précaires en CDI et les conséquences attachées à un licenciement nul.